Un oeil ouvert sur la tech

Édito Juin – RESSEMBLANCE

« Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement volontaire ». C’est à peu près ce qu’on devrait désormais indiquer comme message d’avertissement en accompagnement des deepfakes.

Cette volonté de « faire ressembler » habite les médias synthétiques1. Derrière la manipulation, il y a l’intention de réduire l’écart entre l’original et la nouvelle création. L’enjeu consiste à reproduire aussi bien les caractéristiques physiques que dynamiques d’un personnage. De retrouver sa véracité, son authenticité, sa vivacité. Les anglophones parlent de « likeness ».

Mais ressemblance n’implique pas vraisemblance. Il s’agit de produire un contenu qui a toutes les caractéristiques du vrai, conforme à ce qu’un spectateur attend. Le résultat se doit d’être crédible, plausible, acceptable en fonction d’un contexte donné. Ainsi le spectateur décide en lui-même si ce qu’il voit est une probable représentation de la vérité. Le probable plane quelque part entre ce qui peut-être tenu pour sûr et ce qui ne peut pas l’être.

C’est une sorte de transaction permanente entre d’une part, la vraisemblable possibilité que ce que nous voyons reflète la réalité et d’autre part, la certitude que ce qui fait face à nous est une fantaisie. Décider donc de ce qui relève de la ressemblance permet — en y ajoutant les données d’un contexte — de déterminer la vraisemblance d’une vidéo. Cette démarche, nous la mettons en œuvre à chaque visionnage ou chaque écoute d’un média synthétique.

Pour créer cette ressemblance, cette vraisemblance, les créateurs de deepfakes utilisent des images de référence pour entrainer leurs algorithmes à reproduire un visage à la perfection. Les bases de données employées regroupent parfois des centaines de milliers d’images qui aident les algorithmes des réseaux de neurones à produire une image la plus proche possible de l’original.

Une image ressemblante est donc une image née de la fusion de toutes ces productions antérieures. Une image qui a reçu en héritage l’ADN visuel de ses ancêtres et qui au fil du temps, passera l’ensemble de son patrimoine génétique visuel à d’autres créations, et qui sait peut-être, à d’autres deepfakes.

Tout ça, c’est à découvrir dans ce numéro de SYNTH.

  1. Le terme « média synthétique » recouvre tout type de contenus numériques produits, manipulés ou modifiés à l’aide de techniques issus du champ de la recherche sur les intelligences artificielles et notamment à l’aide des Réseaux antagonistes génératifs (GANs). Se regroupent sous ce terme les deepfakes vidéo et audio, les images de synthèse, la musique synthétique, les NLG (Natural-language generation) et la génération de textes via GTP-2 et GPT-3. ↩︎
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