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L’opération séduction continue. Sam Altman, le CEO d’OpenAI, émissaire bien peigné de la Tech, poursuit sa tournée en Europe pour appeler à une prise en compte des dangers de l’IA. « L’intelligence artificielle a le potentiel d’améliorer à peu près tous les aspects de nos vies, mais aussi pose de sérieux risques auxquels il faut nous préparer ensemble », commence Altman lors de son audition devant la commission sur l’intelligence artificielle au Sénat américain mi-mai. Pour la faire plus courte que ses 2 h 50 d’intervention, il co-signe une pétition largement débattu et controversée qui résume ainsi son propos :
« L’atténuation du risque d’extinction lié à l’IA devrait être une priorité mondiale, au même titre que d’autres risques sociétaux tels que les pandémies et les guerres nucléaires. »
Voilà donc Mr Altman à Washington, puis en Europe avec Thierry Breton, puis en France à la Station F, en Espagne, en Pologne, en Angleterre pour demander encore et toujours la même chose, qu’on régule l’IA avec douceur. Car oui, cette menace EXISTENTIELLE, au moins équivalente à la guerre nucléaire et apparemment infiniment plus importante que le dérèglement climatique, absent de toutes les remarques, appelle à une action urgente. Urgente, mais concertée, pas trop radicale, suffisamment permissive (Altman n’apprécie que moyennement l’AI Act européen en préparation) en tous cas pas trop contraignante et très guidée par l’expertise des acteurs de la Tech.
C’est un peu comme si, arrivant à 140 km/h dans un petit village au moment de la sortie de l’école, vous demandiez à vos passagers vous implorant de freiner, de calmer leurs ardeurs et de négocier avec vous la façon dont vous alliez appuyer sur la pédale…
Pourquoi donc invoquer l’apocalypse si ce n’est pas pour agir décisivement ? Pour créer un choc. Une tétanie. Un recul. Frappés par la déclaration, femmes et hommes politiques ne peuvent prendre le risque d’ignorer l’avertissement. Ils doivent agir, se tourner vers les acteurs les plus compétents pour obtenir les meilleurs conseils, la meilleure stratégie, démontrer leur efficacité sans dévoiler leur incompétence. Coup de bol, Altman fait partie des experts, il présente bien et inspire confiance. Il ne reste qu’à l’écouter, la mine grave, expliquer comment faire.
Le choix est simple, faut-il écouter celles et ceux qui affirment que ce scénario à la Terminator est une fantaisie science fictionnelle et que les vrais dangers de l’IA sont déjà là, dehors, et affectent des dizaines de milliers de personnes. Faut-il s’occuper du dérèglement climatique, de la sécheresse, des réfugiés climatiques à la place ? Ou est-il préférable d’écouter ces entrepreneurs, raisonnables, capables de générer des solutions à tous les problèmes grace à la Tech ? Sénateurs et députés devraient se souvenir de la maxime du Compte de Gormas dans le Cid de Corneille, « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ».
Tout ça, c’est à découvrir dans ce numéro de SYNTH.
