Un oeil ouvert sur la tech

Édito Mai – Winds of Change

C’est fou le nombre de trucs qu’il peut se passer quand on fait un break. Comme vous l’avez peut-être remarqué, je ne suis pas du genre à revenir sur l’actualité pour dresser la liste des évolutions récentes des technos synthétiques. Je trouve ça aussi passionnant que de lire le bottin. Non, le sujet qui me passionne véritablement c’est la mécanique qui articule le déploiement des technologies synthétiques. 

Après quelques années d’observation, il apparait de façon assez flagrante que tout ça n’est pas simplement animé par la mécanique d’un marché qui aurait fait émerger par l’opération du Saint-Esprit une technologie « miraculeuse » capable d’ensemencer la planète de son savoir et de sa hauteur de vue et nous éviter au passage une descente aux enfers plus que probable. Non. La froideur apparente des algorithmes cache en réalité toute la chaleur et l’intensité des imaginaires d’un petit groupe d’hommes (et d’un encore plus petit groupe de femmes) qui se battent avec leurs petits poings pour remplacer dans nos cœurs ceux que jadis nous vénérions, les curés, les grands nobles, dieu peut-être même. 

Leurs créations semblent nous faire tourner la tête. Nous ne regardons plus devant, le regard vers le lointain, nous passons le plus clair de notre temps tête penchée vers une surface vitrée où les textes et les images générées font écho aux autrices et auteurs du passé. Les philosophies qui agitent la Silicon Valley sont de nouvelles formes de spiritualités recyclées, semblables en tous points aux errements cinématographiques science fictionnels. La créativité s’efface pour laisser place au glissement des doigts sur la glace. 

Le dernier clip d’Apple, qui lance ces jours-ci son dernier iPad A4 dont le nom n’est pas inspiré du format, mais de la puce qu’il abrite, semble incarner tout ça. Dans une énième redite des vidéos de compression que César n’aurait pas reniée, Apple s’emploie à écrabouiller ce qui fait encore frémir le cœur des poètes. Pour vendre son concept d’ultraplatitude, la firme de Cupertino passe à la presse hydraulique, piano et pinceaux, guitares, trompettes et caméras, provoquant la colère de tous les créateurs et artistes de la planète. 

Pourtant, ce n’est pas comme si on ne l’avait pas vu venir. La Silicon Valley met les choses à plat. Les sites internet blanchissent sous l’effet normateur de Google, les typographies perdent leurs hampes et boucles pour se raidir à la mode suisse. Les titres doivent décrire plutôt que faire sourire, les textes se remplissent de mots clefs, les copies perdent de leur perplexité sous l’effet des IA génératives et les images retentissent des styles qui ont fait la valeur des années Moebius et Druillet. Le flat design a remplacé le disegno italien et chacun s’accommode de ces petits deuils successifs pour célébrer le progrès et l’efficacité. 

Pour celles et ceux qui cherchent des poches de résistance à la tech, n’est-ce pas la finalement le refuge idéal ? L’entropie sacrée des élans de créativité humaine ? Ce réel qui s’échappe à la maitrise dataïfiée des nouveaux dieux de la tech ? Si tout est data et que cette data est captée en permanence par les pirates de Californie, ne sommes-nous pas en droit de déclarer des zones d’indépendances à haute valeur humaine ajoutée ? Pour faire une pause, retirez-vous donc dans le réel, pour les autres, continuons d’explorer ce que les vents nouveaux nous apportent. 

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