Retour

Candidat À la présidentielle, il utilise un deepfake pour faire campagne

Alors que la campagne présidentielle bat son plein, les candidats doivent redoubler d’inventivité pour se démarquer. L’un d’entre eux a trouvé la solution. Depuis janvier, son avatar synthétique répond aux questions des électeurs sur un site dédié et fait un succès d’audience, mais si vous pensiez à Jean Luc Mélenchon et son hologramme, vous faites fausse route. 

Le candidat conservateur coréen Yoon Suk-yeol innove là où on personne ne l’attendait. Cet ancien procureur devenu candidat à la présidentielle du 9 mars prochain pour le parti « Pouvoir au Peuple » utilise le dernier cri des médias synthétiques pour rajeunir son image rigoriste. C’est la seconde fois qu’un candidat à une élection utilise le dispositif au cours d’une élection (( Manoj Tiwari, candidat du BJP en Inde, utilise un deepfake pour faire campagne, Journalism. design, 23 février 2020 )).

Vingt heures d’enregistrement audio et vidéo et près de 3000 phrases ont été nécessaires pour alimenter la base de données de l’avatar synthétique AI Yoon. Baik Kyeong-hoon, directeur de l’équipe en charge de AI Yoon, indique vouloir rajeunir la campagne et y injecter un peu d’humour. Un objectif rempli puisque des milliers de questions ont été posées sur le site dédié wikiyoon.com ((en coréen uniquement wikiyoon.com)) par près de 7 millions de visiteurs.

Contrairement à ce qui avait été annoncé, depuis 2017, l’usage de deepfakes politiques soit à des fins satiriques soit à des fins propagandistes n’a pas explosé. Certaines vidéos ont bien provoqué des heurts diplomatiques (( Mali : Synthesia au cœur des fausses informations, JD, le 16 janvier 2022 | Le deepfake de Christophe Guilhou, embarrasse au Cameroun, JD, le 3 juillet 2020 | The suspicious video that helped spark an attempted coup in Gabon, The Fact Checker, le 13 février 2020)), mais aucune grave crise n’a été seulement provoquée par la diffusion d’un média synthétique ((l’évènement le plus grave survenu à l’occasion de l’élection présidentielle américaine fut l’invasion du Capitole par les partisans de Donald Trump, une invasion provoquée par les appels du président américain lui-même)). Rien n’indique pour autant que ce ne soit pas possible.

La sophistication des contenus synthétiques augmente et les tentatives de détection n’ont — pour beaucoup — pas porté leur fruit. Les initiatives d’authentification des contenus portées par les acteurs majeurs de l’industrie de l’image comme Adobe et Microsoft ne sont pas encore implémentées et ne permettront qu’une chose, assurer aux médias une vérification facilitée des contenus audio et vidéo.

En Corée comme ailleurs, l’intégration des médias synthétiques dans l’arsenal des contenus de campagne autorisés, risque d’accroitre la défiance envers le personnel politique et détourner nombre d’électeurs des urnes. La stratégie du PPP (( People Power Party )) joue dangereusement avec le feu et crée un exemple pour les candidatures aux abois dans les pays en manque d’inspiration.

Gerald Holubowicz, journaliste
Gerald Holubowicz, journaliste
https://synthmedia.fr
Gerald s'est penché sur le berceau des deepfakes alors même qu'ils n'avaient que quelques mois. Depuis, il ne cesse d'observer l'intelligence artificielle prendre une place de plus en plus centrale sur le web, dans nos vies et nos discussions. Ancien photojournaliste, c'est l'image synthétique qui a donc capturé son regard, mais ce sont les questions éthiques et juridiques, les questions liées aux biais et à la discrimination venant des systèmes d'IA qui l'intéresse aujourd'hui. Pour le joindre: [email protected]