Un oeil ouvert sur la tech

L’IA, un instrument de la droite ? 

À l’automne 2023, la Slovaquie a vécu un moment de tension particulièrement singulier dans la vie de cette jeune démocratie. Les deux candidats en tête de liste des législatives Slovaques en lice pour devenir Premier ministre, alors au coude à coude (21-19), se sont livré une bataille féroce jusqu’aux quelques jours précédant la tenue du scrutin. 

Alors que la période moratoire venait de débuter, un enregistrement audio du candidat du parti libéral et progressiste Progressive Slovakia (gauche) Michal Šimečka et de la journaliste Monika Tódová du Denník N faisait surface dans les boucles télégram et Whatsapp. On y entendait les deux protagonistes en pleine discussion pour manipuler les élections à venir, notamment en manipulant les voix de la communauté Rom. 

Il aura fallu quelques jours pour déceler qu’il s’agissait d’un deepfake audio malgré les vives protestations de Šimečka. Quelques jours qui auront suffi à l’opinion pour basculer cette fois-ci en faveur de l’opposant Robert Fico, et amener le parti nationaliste et populiste à la tête du gouvernement slovaque. 

Lorsqu’on dresse la liste des occurrences de deepfakes à travers le monde, comme le fait le site en ligne Rest of the World, on s’aperçoit rapidement d’un trait caractéristique que partagent ces contenus. Tous sont issus de milieux proches des droites nationalistes ou vantent ses mérites et quasiment toutes les cibles de ces contenus manipulés par IA sont des opposants politiques progressistes et libéraux. 

En inde, le BJP (Bharatiya Janata Party) du Premier ministre Narendra Modi, conservateur nationaliste proche de partis de droite dure, utilise les deepfakes depuis 2018, soit pour faire pression sur des journalistes ou des candidats ou pour promouvoir ses propres candidats. Mais au Pakistan, en Indonésie, au panama, à Taïwan, aux États-Unis, en argentine, en France, au Kenya et au Nigéria, les exemples de deepfakes utilisés à des fins de propagande contre les partis libéraux ou en faveur des partis conservateurs de droite et d’extrême droite se multiplient et augmentent à chaque élection. À quelques exceptions près, toutes ces productions émanent de sphère conservatrice qui les utilise pour attaquer des individus en ciblant leur crédibilité politique en diffusant des rumeurs de fraude ou d’allégations sur des comportements sexuels.

Clivants, incendiaires, particulièrement humiliants et réalistes, ces contenus se répandent comme une trainée de poudre dans les milieux militants puis débordent de ce cadre pour toucher la sphère publique. Ces deepfakes cherchent à provoquer l’émotion, des réactions épidermiques et polarisantes pour favoriser les prises de position extrêmes nécessaires pour faire basculer des résultats. 

Si les deepfakes et les contenus manipulés par IA ne semblent pas être capables de modifier de larges pans de l’opinion publique, une étude publiée sur The International Journal of Press/Politics suggère que les contenus ciblés sur des populations très précises ont une influence sur les comportements politiques. Les prochaines élections seront certainement le théâtre de ces contenus et plus que jamais il sera important d’ouvrir l’œil sur ces manipulations.

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