EN UN COUP D’OEIL
- Des lunettes connectées au cœur du débat : Les Ray-Ban Meta soulèvent des questions sur la vie privée et la conformité au RGPD en France
- Un cadre légal flou : Autorisées pour un usage personnel, mais encadrées dès que les images sont publiées ou utilisées professionnellement.
- Discrétion et risques : Technologie critique pour son opacité et ses possibles dérives, comme la reconnaissance faciale.
Les lunettes connectées Ray-Ban Meta relancent le débat sur la protection des données personnelles. Dans un contexte où la discrétion des dispositifs de captation inquiète, la CNIL clarifie le cadre légal. Quelles limites s'appliquent aux utilisateurs de cette technologie en France ?
Les lunettes connectées Ray-Ban Meta, équipées d’une caméra discrètement intégrée à la monture, attisent la curiosité technologique mais également les interrogations juridiques. Sont-elles réellement conformes à la législation française ? Interrogée par Numerama et Tech&Co, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a répondu avec précision, rappelant les grands principes du RGPD et les droits des personnes concernées.
Un cadre légal précis, mais nuancé
Celles et ceux qui tiennent à leur vie privée seront déçus. Contrairement à certaines idées reçues, il n’existe pas d’interdiction explicite visant les lunettes connectées comme les Ray-Ban Meta. Mais interrogée par les journalistes, la CNIL insiste sur des principes fondamentaux : l’usage de tels dispositifs doit respecter les règles en vigueur sur la protection des données personnelles, notamment le principe de transparence. Ainsi, filmer à titre personnel, sans diffusion publique, reste autorisé, comme pour un smartphone…
En revanche, dès que ces images sont publiées en ligne ou utilisées dans un cadre professionnel, les dispositions du RGPD s’appliquent pleinement. L’utilisateur des lunettes controversées doit alors informer les personnes filmées et recueillir leur consentement explicite. Une exigence légale qui semble difficile à satisfaire dans des espaces publics. On voit mal en effet les utilisateurs s’enquérir du consentement de toutes les personnes qu’ils croiseront, carnet d’autorisation à la main.
L’opacité technologique en question
L’une des principales critiques envers ces lunettes concerne donc leur discrétion. Certes, un témoin lumineux indique que la caméra enregistre mais cette signalisation reste moins visible que lorsqu’on utilise un smartphone. Selon la CNIL, cet aspect pourrait compliquer l’application du principe de loyauté envers les personnes filmées.
La CNIL souligne aussi qu’une diffusion non consentie d’images ou la captation dans des contextes privés pourrait enfreindre d’autres lois, comme celles protégeant le droit à l’image ou la vie privée. Pour les juristes interrogés par les confrères, cette technologie s’inscrit dans une zone grise nécessitant des ajustements réglementaires.
Mais on voit mal les utilisateurs de ce type de gadget payer près de 400€ pour ne les utiliser que dans des cas très précis. Si personne n’est censé ignorer la loi, nul doute que beaucoup plaideront l’ignorance s’ils devaient être poursuivis.
Des limites à l’usage domestique
L’utilisation des lunettes connectées pour se filmer pendants ses vacances sur une île déserte ou capturer l’anniversaire du petit dernier sont donc des cas d’usage compatibles avec le cadre légal, tant que ces images ne sont pas diffusées en ligne. Mais beaucoup de questions se posent. Des étudiants de Harvard, ont récemment associé ces lunettes à un système de reconnaissance faciale. Cette combinaison leur a permis d’identifier des individus dans la rue et de collecter leurs données personnelles, démontrant ainsi les risques d’abus possibles.
Du coup, le débat soulevé par les Ray-Ban Meta pourrait inciter à repenser les lois encadrant les dispositifs connectés. Faudra-t-il prévoir un cadre plus strict pour ces nouvelles monture signées Big Brother, comme ce fut le cas pour les drones équipés de caméras ? La CNIL appelle pour le moment à la prudence des utilisateurs et au respect des droits individuels.
Mais une fois de plus ce sont les géants de la tech qui mènent le jeu en imposant des équipements dans questionner leur pertinence éthique et juridique. Le fun des vidéos de démonstration ne représente souvent que très partiellement les usages possibles et les dommages d’une sextape non consentie diffusée sur les réseaux seront – pour les victimes – dévastatrices et impossibles à réparer. L’utilisateur indélicat sera à juste titre pointé du doigt, mais régulateur et constructeurs échapperont très certainement aux conséquences de la commercialisation de nos outils de surveillance.