États-Unis : un régime en pleine accélération techno-fasciste

EN UN COUP D’OEIL

  • Révolte contre la technopolice migratoire : À Los Angeles, la politique de l’ICE suscite une insurrection populaire d’ampleur historique.
  • Technopouvoirs et fascisme doux : Trump, Thiel et Palantir tissent une alliance inédite entre big data, sécurité et pouvoir exécutif.
  • Surveillance totale en marche : L’État collecte et centralise massivement données sociales, routières et biométriques sous prétexte de sécurité.
Le spectacle de la joute entre Donald Trump et Elon Musk a été vite éclipsé par un autre événement majeur : les émeutes contre la politique d’immigration raciste du président et son bras armé, la police de l’immigration ICE. Ce qui se joue derrière ces deux événements est le symptôme d’une accélération vers un fascime organisé par voie de tech. Mais aussi les résistances qui s’organisent. Analyses.

D’un vaudeville égotique entre un président et son ministre de la purge austéritaire aux émeutes qui agitent plusieurs villes de Californie, dont Los Angeles, l’actualité américaine est plus inflammable que jamais. Avec un oeil dans les coulisses du pouvoir, par-delà le spectaculaire, Synth analyse les ressorts de ce moment politique.

Axe 1 : Le durcissement d’un régime technofasciste

L’Amérique en pleine accélération techno-fasciste ? À Los Angeles, des milliers de personnes protestent contre l’ICE, la police politique de l’immigration de Donald Trump. Un mouvement de révolte causé par le durcissement de la politique migratoire du président qui a conduit à des arrestations arbitraires, des familles brutalement séparées et des expulsions autoritaires. De violent heurts agitent la ville depuis le samedi 7 juin 2025 (El País).

+ Créée à la suite des attentats du 11 septembre et de l’adoption du Homeland Security Act sous mandat Bush fils, l’ICE (Immigration and Custom Enforcement) est une police chargée de superviser les expulsions de citoyens illégaux menanaçant la sécurité nationale. Son fonctionnement repose très largement sur le recours à des technologies de surveillance, de tracking ainsi que de l’analyse massive de données. L’ICE est l’incarnation de ce que le chercheur Félix Tréguer nomme la “technopolice” (Editions Divergences).

+ Son directeur, Todd Lyons, a récemment confié son ambition de devenir l’équivalent d’un “Amazon Prime, mais pour les êtres humains”. Une prise de position qui souligne à quel point l’alliance de la tech et du pouvoir tend à deshumaniser les individus (New Yorker).

+ Parmi les symboles de ce mouvement de révolte populaire, des voitures autonomes Waymo commercialisées par Google ont été incendiées. Pour le journaliste Brian Merchant, il s’agit d’un symbole fort adressé au complexe techno-sécuritaire né de l’alliance entre la Silicon Valley et du pouvoir trumpiste (Blood in the Machine).

Pour mater la révolte qui secoue Los Angeles, le président des États-Unis a massivement déployé la Garde Nationale de l’état de Californie. Une mesure exceptionnelle car le déploiement s’est fait sans consultation du gouverneur de l’état, comme le veut le protocole.

+ Cette décision marque une inflexion autoritaire de la part du président Trump qui viole l’une des lois de cet “état sanctuaire” (The Intercept). Le “Golden State” incarne en effet une Amérique “progressiste, multilingue et cosmopolite” Une poche de résistance contre la réaction désormais durablement installée à Washington (Libération).

L’administration Trump a également déclaré un état d’urgence en mobilisant une rhétorique anti-insurrectionnelle.

+ Pour le journaliste Gil Duran newsletter The Nerd Reich, il s’agit de légitimer une politique répressive s’inscrivant dans la durée dans la droite lignée des travaux du juriste du du IIIème Reich, Carl Schmitt. (Gil Duran via X).

+ En juillet 2024, le New York Times rappelait l’influence de Carl Schmitt et sa théorie du pouvoir sur les élites technofascistes, en particulier Peter Thiel et son poulain J.D. Vance (New York Times)

Axe 2 : Big Tech <3 Pentagone : Musk disgracié, Thiel renforcé

Alors que Los Angeles s’enflammait, c’est un autre spectacle qui agitait la politique américaine. Depuis, Musk a sauté, mais la “broligarchie” se porte bien. En coulisses, la position du techno-milliardaire Peter Thiel semble toujours aussi solide. Il pourrait même s’affirmer comme une personnalité hégémonique des coulisses de la politique américiane. Par l’entremise de son hydre de la surveillance Palantir, il asseoit sa main-mise sur l’Etat fédéral américain. 

+ En témoignent les nouveaux contrats signés depuis la réinvestiture de Trump : 113 millions de dollars avec le Pentagone, 795 millions avec le Département de la Défense. Le NYT s’alarme de cette emprise de Palantir sur l’Etat fédéral américain : l’entreprise dispose de données très sensibles qui pourraient être instrumentalisées à des fins politiques, notamment pour cibler les opposants politiques et les migrants illégaux. (New York Times)

+ La société Palantir s’impose comme la tête de pont d’un régime techno-sécuritaire au service de la guerre contre les migrants. Elle collabore activement avec l’agence ICE qui supervise la politique migratoire répressive de Trump, afin de constituer une plateforme de monitoring des expulsions qui s’apparente à un ‘ImmigrationOS’ destiné à automatiser et suivre en temps réel les expulsions de citoyens présents illégallement sur le sol américain (Wired)

Axe 3 : Les données personnelles au service de la traque du DOGE

Ce n’est pas parce qu’Elon Musk a brutalement signé la fin de son idylle avec le 47e président des États-Unis, Donald Trump dans une battle de tweets incendiaires et d’excuses misérables que le DOGE disparait des écrans radars. Au contraire, il accentue son action sous la direction d’un des fidèles de Trump, parmi les plus radicaux et signataire du Project 2025, Russel Vought.

+ Au plan local, la surveillance se déploie à travers les outils municipaux de contrôle routier. ICE s’appuie sur un outil de lecture automatique de plaques d’immatriculation pour accroitre son maillage d’informations. À l’origine destiné à la surveillance de la petite criminalité par les polices locales, Flock permet aux polices locales d’utiliser son système de lecture automatique de plaques d’immatriculation (ALPR) pour réaliser des recherches liées à l’immigration. Ce sont donc près de 5000 municipalités aux États-Unis qui bénéficient de ces caméras qui enregistrent le numéro des plaques, mais aussi le modèle et la couleur de la voiture qu’ICE peut utiliser pour traquer des sans-papiers. (404 Media)

+ La Cour Suprême des États-Unis a autorisé le DOGE à utiliser les données de la Sécurité sociale de millions d’Américains. Le but invoqué par le département, dont la succession devrait revenir à Russel Vought, un nationaliste chrétien proche de Trump et rédacteur du Project 2025, serait de prévenir la fraude et d’économiser des millions de dollars. Mais en l’absence d’évaluation précise des fraudes supposées, les détracteurs de la décision jugent qu’il s’agit d’un coup à l’aveugle pour récupérer le maximum de données pour le seul compte d’intérêts privés. (The Guardian)

+ Et parce qu’une mauvaise nouvelle ne vient jamais seule, la même Cour suprême à décidé dans la foulée de restreindre les ordonnances d’un juge de Washington DC demandant au DOGE de transmettre des documents confidentiels dans le cadre d’une action en justice intentée contre le département d’Elon Musk. Une décision rendue à l’encontre des usages de transparence auxquels toutes les administrations américaines sont censées répondre. (CNN)

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